Aujourd'hui je vous propose d'évoquer la fascinante question du cannibalisme.
Toutes les espèces présentes dans nos eaux, et pas seulement les espèces ichtyophages, sont plus ou moins cannibales, ne serait-ce que parce que de temps à autre, il arrive à la plupart des poissons de croquer des alevins de sa propre espèce. Toutefois, certaines espèces sont réputées particulièrement cannibales. Cette réputation ne relève pas systématiquement de légendes urbaines.
Brocheton à-demi digéré, recraché par un congénère de 80cm pendant la manipulation. |
Nous allons ici nous pencher sur le cas de 4 carnassiers, bien présents par chez nous en plans d'eaux, en lacs et en rivière : la perche, le brochet, le black-bass et le silure.
Je vais commencer par régler le cas du silure. Pour moi, c'est l'un des pires cannibales dans nos eaux. Tout le monde ou presque a déjà pris un silure qui présentait les stigmates de morsure de l'un de ses congénères. Bien souvent, nous mettons cela sur le compte de la territorialité, car les silures sont souvent en banc, parfois dans de petites fosses, dans des cuvettes de barrages, entassés, et pourraient entrer en conflit (alimentaire notamment). Je ne suis pas spécialiste du silure, mais par chez moi (val de Saône) où il est bien présent depuis les années 1995 on a une connaissance du silure qui repose davantage sur 20 ans d'observation que sur des écrits savants et théoriques.
Toutefois, je ne suis pas certain du tout -mais alors vraiment pas !- que la prédation du silure par le silure soit dû à des réactions d'agressivité entraînées par une trop grande promiscuité. Je veux dire par là que d'après moi -et je suis loin d'être le seul à le penser- le silure chasse activement le silure. En d'autre terme, il sélectionne ses juvéniles comme proies privilégiées (entre autres). Pour quelles raisons ? Je ne m'aventurerai pas en explications douteuses (d'ailleurs, philosophie personnelle : je préfère constater et prendre note de mes observations plutôt que d'essayer de tout expliquer plus ou moins vainement), mais le constat est là : les silures de petite taille (50 à 80cm) qui étaient extrêmement nombreux en Saône sont devenus très rares, cependant que les poissons passant 1m50 ont explosé (la population est établie à présent), et il est devenu, du constat de tous, très difficile d'en capturer plusieurs petits comme avant.
Certains témoignages à ce sujet sont intéressants. Je pense à ces pêcheurs au vif qui m'expliquaient en cœur qu'ils ne prenaient plus de petits silures, alors qu'il y a quelques années, ils ne prenaient "que ça". Ou cet autre pêcheur, qui arpente activement la Saône depuis des années et qui m'expliquait que presque tous les silures de "petite" taille (presque un mètre) qu'il prend portent des marques d'attaque de congénères. Autre témoignage intéressant : un ami me racontait comment, en remontant un petit silues d'à peine un mètre, il vit des poissons de 1m50 à 2m suivre derrière et essayer de l'attraper…
Certains témoignages à ce sujet sont intéressants. Je pense à ces pêcheurs au vif qui m'expliquaient en cœur qu'ils ne prenaient plus de petits silures, alors qu'il y a quelques années, ils ne prenaient "que ça". Ou cet autre pêcheur, qui arpente activement la Saône depuis des années et qui m'expliquait que presque tous les silures de "petite" taille (presque un mètre) qu'il prend portent des marques d'attaque de congénères. Autre témoignage intéressant : un ami me racontait comment, en remontant un petit silues d'à peine un mètre, il vit des poissons de 1m50 à 2m suivre derrière et essayer de l'attraper…
La situation n'est pas sans rappeler ce qui est arrivé aux poissons-chats de la Saône il y a 10 ou 15 ans… Les anciens narraient comment, en mettant un poisson chat "au bout de la ligne" ils sélectionnaient les silures inévitablement. Et aujourd'hui, certains concours de pêche au coup décernent un lot à celui qui parvient à prendre 1 poisson chat !
Nous n'entrerons pas dans le débat de la régulation du silure, mais après avoir éliminé les "matous" et les tanches de la Saône, ce poisson semble se réguler lui-même actuellement.
Peut-être que certains spécialistes du silure vont venir ici me compléter, me contredire, ou ajouter de l'eau au moulin de la réflexion : c'est avec joie que vous pouvez commenter l'article en bas de la page.
Il semble assez compliqué d'exploiter cette tendance du cannibalisme chez le silure, contrairement à d'autres espèces. Mais il y a fort à parier qu'une belle imitation de silure souple de 40cm ferait un tabac sur un banc de limaces.
Traitons maintenant le cas du black-bass. Je parlerai là aussi d'après mes observations, effectuées en Bourgogne, là où je le traque depuis une vingtaine d'années. Je n'ai observé que deux fois un black bass adulte qui chassait sur des juvéniles. A chaque fois, le juvénile était au bout de ma canne, avec un petit LS en gueule. Il y a fort à parier que le baby bass qui se débattait, les paillettes du worm, les éclaboussures, tout cela a du exciter papa bass dans sont for intérieur !
Le gros bass qui mange ses congénères de 20cm voire plus serait-il un mythe ? Je ne l'affirme pas. J'ai bien essayé des imitations de bass, elles sont prenantes, mais le sont-elles davantage que les autres leurres ? En leurres durs réalistes, j'ai de bons résultats avec les baby bass. Que ce soit parce que le coloris verdâtre marche bien ou que ce soit parce que cela ressemble vraiment à un baby bass, peu importe.
Pour moi, et cela n'engage que moi, il y a assez peu de cartes à jouer sur les réflexes cannibales des black-bass -par chez nous, tout au moins. Tout au plus, si un baby bass mord à l'hameçon et qu'il y a un gros dans le secteur, vous gagnez à "travailler" un peu le petit !
C'est assez décevant, car il y aurait quelque chose d'assez excitant à traquer des big bass de 55cm avec des imitations de juvéniles deux fois moins gros, type Kong R2S. Ah oui, j'oubliais un détail : il n'y a plus de gros bass en Bourgogne. Dommage.
Le gros bass qui mange ses congénères de 20cm voire plus serait-il un mythe ? Je ne l'affirme pas. J'ai bien essayé des imitations de bass, elles sont prenantes, mais le sont-elles davantage que les autres leurres ? En leurres durs réalistes, j'ai de bons résultats avec les baby bass. Que ce soit parce que le coloris verdâtre marche bien ou que ce soit parce que cela ressemble vraiment à un baby bass, peu importe.
Pour moi, et cela n'engage que moi, il y a assez peu de cartes à jouer sur les réflexes cannibales des black-bass -par chez nous, tout au moins. Tout au plus, si un baby bass mord à l'hameçon et qu'il y a un gros dans le secteur, vous gagnez à "travailler" un peu le petit !
C'est assez décevant, car il y aurait quelque chose d'assez excitant à traquer des big bass de 55cm avec des imitations de juvéniles deux fois moins gros, type Kong R2S. Ah oui, j'oubliais un détail : il n'y a plus de gros bass en Bourgogne. Dommage.
Et la perche ? Je n'ai pas assez de connaissances sur ce poisson pour observer quoi que ce soit. J'ouvre donc le débat dans l'attente d'être éclairé par un connaisseur avec des années de bouteille. Bien entendu on prend des perches avec des imitations de perchettes, ou sur des coloris rayés, qui globalement sont très prenants. Les bancs de perchettes représentent un garde-manger apprécié de tous les carnassiers. Du bass au broc en passant par les glanes et les sandres. Les grosses perches ne sont pas en reste, mais y'a t il moyen de tirer son épingle du jeu en action de pêche en jouant sur cette propension supposée au cannibalisme ?
On terminera cette esquisse de réflexion avec mister Esox Lucius, notre cher Brochet. C'est LE poisson que l'on nous vend comme un cannibale sanguinaire et cruel. Dans la tête des pêcheurs et sur le serveur YouTube, il y a des images de pikes tenant dans leur gueule un congénère qui fait la moitié de leur taille. Il semble qu'en effet le brochet soit sacrément cannibale. Ceux qui vident encore les brochets au XXIe siècle, peuvent témoigner : on retrouve des petits dans le ventre des gros (et dans le ventre des petits aussi d'ailleurs…).
Pour expliquer cette propension au cannibalisme, d'aucuns avancent l'hypothèse de la territorialité : les petits chassent sur les terres du gros, et ça emmerde le gros. Et puisqu'il est gros, il ne peut pas tolérer d'être emmerdé. D'autres pensent que le brochet aime ses congénères en tant que proie, pour une raison X ou Y (parce que ça a meilleur gout que le gardon !). A voir. J'allais dire, cela n'a guère d'importance.
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Les imitations de pike très réalistes et de belle taille décalent vraiment les gros, à certaines périodes |
Toujours est-il que, en pêchant avec des imitations de pike bien finies, sur des plans d'eau qui abritent de belles populations, et bien il y a des jours où l'imitation de pike détrône largement les autres leurres. Une connaissance a l'habitude de sortir son imitation de pike de 20cm lorsque la pêche est dure, ce leurre a 20 brochets métrés à son actif ! A croire qu'il y a des jours où tu as intérêt de servir du brochet à la cantine si tu veux rentrer un papa. D'ailleurs, les imitations de pike sont bien mieux engamées que la plupart des autres leurres, et les touches sont à t'arracher la canne des mains.
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Coloris ou silhouette ? |
Voilà pour ce petit aperçu de la question du cannibalisme.
A titre personnel, je pense que c'est avec le silure et le brochet que, du point de vue de la pêche, il y a le plus matière à tirer parti techniquement de leur éventuelle tendance cannibale.
Si l'on prend du recul sur la question, afin de l'aborder de manière presque philosophique, il est intéressant de se demander pourquoi la question du cannibalisme excite tant les pêcheurs.
Probablement parce que le cannibalisme, en tant que pratique contre-nature dans l'imaginaire occidental (et malgré le pain et le vin) reste un mythe dans l'inconscient collectif. Manger la chair de sa chair, dévorer ses propres enfants, comme Cronos chez les anciens, demeure fantasmatique.
Peut-être le sujet est-il aussi, dans nos têtes d'êtres humains, avec nos concepts propres, mal abordé : en effet, quand une perche de 40cm me recrache 2 petits brochets dans le vivier (vécu), c'est que la perche semble apprécier le brochet. Pourquoi le brochet n'apprécierait-il pas le brochet ? Et quand un brochet mange des perches, n'ôte-t-il pas le pain de la bouche à d'autres perches qui, elles aussi, ont droit à une chair fine et ferme, fut-ce la chair de leur chair ?
Le sujet reste ouvert.
- Never stop fishing-
Arnaud
Pour un "non spécialiste" du silure... :-). Globalement je rejoins tes analyses ou observations à 100%. J' ai observé 3 cas de figures où des silures s'agressent entre eux: cannibalisme, reproduction, agressivité de territoire. Les études isotopiques menées en association avec JCT notamment de la fédé du Rhône sur le bassin Saône Rhône montrent que le troisième type de proie le plus consommé par un silure de plus de 160cm est.... Le silure. De quoi valider plus que largement tes observations.
RépondreSupprimerEnfin pour en tirer profit en action de pêche, il existe des leurre souple immigration petit siluridé, mais mon préféré dans ce cas de figure là c est le lotzilla que tu dois très bien connaître. La seule configuration où je péche le silure avec de très gros leurre.
Enfin outre le silure, j ai' beaucoup aimé cet article. Merci.
Amicalement. Lilian
Bonjour Lilian et merci beaucoup pour ton retour, plus précis et étayé que le mien. Ca apporte encore à la connaissance du milieu.
RépondreSupprimerJe n ai jamais pêché au lotzilla mais je vois à quoi il ressemble et cela ne m étonne pas du tout qu il ait la faveur de nos chères limaces...